Etude sur l’anthropologie visuelle de Georges Bataille : Autour de la revue Documents PARK Ki-Hyun (Université de Chonnam)
Notre étude consite à suivre la pensée philosophique et esthétique de Georges Bataille dans la revue Documents, qui n’avait qu’une existence éphémère (15 numéros) entre avril 1929 et janvier 1931. Elle apparaît cependant rétrospectivement comme un formidable bouillon de culture intellectuel où s’exprimait alors un mouvment intellectuel opposé à l’idéalisme et à l’esthétisme de l’époque, en rupture notamment avec le surréalisme. Les quinze numéros de Documents fourmillent de thèmes qui irriguent également l’œuvre de Georges Bataille.
Dans la première partie, nous avons examiné la genèse et la compostion de Documents et resumé les textes écrits par Bataille. La revue Documents, revue d’art parisienne largement illustrée, a donné le jour à un nombre réduit de publications, étalées sur deux années (1929/1930). Parmi les jeunes dissidents surréalistes qui y écrivaient, on trouve, entre autres, Carl Einstein, Michel Leiris et, Georges Bataille. Georges Bataille a écrit au total 37 articles hétérogènes et qui ont comme sujets, monnaies antiques, photos d’architectures, dessins d’enfants, bijoux médiévaux, monuments, organes, manuscrits enluminés, fleurs etc. Dans la deuxième partie, nous avons analysé l’anti-idealisme de Bataille, en étudiant les articles, «le cheval académique», et «informe». Le premier des articles rédigés pour Documents en donne une indication claire, dès son titre mystérieux, «Le cheval académique». Bataille y examine une série de monnaies gauloises de l’antiquité tardive, pour y mettre en relief d’une part les altérations apportées par les graveurs “barbares” aux “types grecs” qu’ils imitaient, d’autre part leur manière d’altérer la forme du cheval. Ce choix indique suffisamment le refus de l’idéalisme qui constitue un des principaux modes opératoires de la revue. Nous admettons, ensuite que la conception bataillienne de l’informe est tout à fait originale: l’informe n’est pas le sans-forme. Il n’est pas, pour Bataille, un état préalable de la forme. L’informe est un mouvement. Il est ce qui déforme, ou plutôt ce qui met en mouvement les formes.
Et nous avons comparé les thèmes chez Bataille à travers quelques articles comme la «Figure humain», «Le bas matérialisme et la gnose», et «Les écarts de la nature» : la dialectique de Hegel, la dialectique des formes, le matérialisme traditionnel, et le bas matérialisme. Bataille, dans son article «Les Écarts de la nature », entend qualifier les processus d’altération et de déclassement de la forme par une expression, «dialectique des formes». Bataille veut expérimenter une nouvelle valeur d’usage de la dialectique qui est très chargé philosophiquement depuis Hegel, et la dialectique bataillienne consiste à renverser visuellement les formes visibles. Ce renversement s’effectue par extension au niveau des valeurs. Dans la dernière partie, nous avons analysé l’ambivalence du sacré, le va-et-vient de la nature et du humain exprimés dans les articles comme «le langage des fleurs», «le gros orteil», «l’art primitif» et «la mutilation sacrificielle et l’oreille coupée de Van Gogh».
Nous avons constaté que l’une des originalités de cette revue est de mêler l’ethnographie et les créations de l’avant-garde afin de créer un dialogue inédit entre artistes et universitaires. Lire Documents est donc une excellente introduction à l’œuvre de Bataille car, pour lui, l’image, le document, les rapprochements inattendus entre documents, entre les idées font partie de sa méthode d’écriture.